Deep Rock Galactic est ce genre de projet fou, à qui l’on adresse volontiers une prière celtique au premier rocher venu, afin que tout se passe pour le meilleur des mondes pendant son accès anticipé. Et puis, il s’agit aussi de se préparer à toutes éventualités. Tiens aujourd’hui, par exemple, il est grand temps de lurker enfin les toutes nouvelles pioches à haute résistance dotées d’un manche tri-matière antichute et d’une pointe acier cruciforme trempée sur 100 mm. Et croyez-moi ou non, la superstition conjuguée à un travail pugnace marche du tonnerre, car biberonné jusqu’à la lie par Ghost Ship Games depuis deux ans, l’enfant prodige danois est sorti indemne en ce jour de grâce du 13 mai 2020.
Auréolée par une étoile séculaire, l’une des stations spatiales, en orbite autour de la planète Hoxxes IV est particulièrement bruyante ce soir. C’est même plutôt le foutoir chez les mineurs nains. D’un côté, l’Abyss Bar ruisselle sous les tournées générales de bières exotiques. De l’autre, mes nabots de compagnons gambillent sans vergogne sur de l’electro endiablée distillée par un jukebox miteux. La raison de tous ces débordements de joie surréalistes ? À vrai dire, absolument aucune. Parmi les nains, l’absence de retenue est clairement une vertu. Du reste, vous remarquez avec quelle subtilité PasCha31 ingurgite sa Backbreaker Stout puis se met à hurler des obscénités en brandissant sa pioche pour s’évanouir ensuite dans l’indifférence la plus générale. Admiré de tous pour son aptitude militaire à éradiquer les insectes, ce gunner-né est surtout complètement bourré. Pendant ce temps, le très sérieux ingénieur Magic_Gimli choisit consciencieusement une mission d’expédition minière sous la pression de la tour de contrôle qui exhorte notre bande de cinglés à reprendre le boulot. Soudain, les coéquipiers se bousculent de toute part : le décompte de la nouvelle destination est désormais amorcé. Il est grand temps de rejoindre fiévreusement la capsule en massacrant sur le chemin quelques barils. L’opérateur du Space Rig s’indigne : il y aura retenue sur salaire. Oui. Je l’avoue. C’est pourtant ma quatre-vingt-dixième mission, et je n’arrive toujours pas à me lasser. On se doute que c’est vraisemblablement le genre de jeu qui, une fois le soufflé de la découverte retombé, suscite tout de même l’envie cyclique de cramer à nouveau une trentaine d’heures. Et comme il ne pèse pas bien lourd (moins de 2 go) sur mon petit SSD, il risque d’y rester un bon moment.
La pioche et le pruneau
Il faut dire que la descente sur les lieux d’une mission est toujours impressionnante. Au milieu du brouhaha ambiant de la capsule qui creuse vers sa destination, une certaine euphorie s’installe indubitablement : les mineurs s’encouragent grassement avant de s’élancer, avides déjà de terminer les objectifs. La grille à peine levée, les flares fusent, les premiers blocs de ressources tombent et les premiers insectes trépassent. À la pioche, cela ressemble à un Minecraft homologué pour claustrophobes, et au gun, à une sorte de Left 4 dead voxel sous acide. Pourtant, dans Deep Rock Galactic, on ne se contentera jamais de miner et de se précipiter bêtement. On essayera d’appréhender la géologie des lieux, d’avancer groupé, non pas seulement à cause des vagues de mobs qui rampent de toutes parts, mais aussi pour se partager la M.U.L.E (aka Molly) — votre inventaire sur pattes — qui vous suivra partout et vous étonnera maintes fois par sa capacité a utiliser au mieux la verticalité de votre environnement.
S’engouffrer sans limites
En effet, si les connexions entre les caves sont simples à découvrir avec l’aide de vos torches et de votre scanner d’exploration, le franchissement de certains gouffres est une toute autre histoire. Toutefois, cela fait un bien fou d’être poussé à s’adapter en permanence. À l’évidence, qui n’a pas tourné en rond, avec son soldat en panne de tyroliennes dans une grotte gigantesque tandis que les foreurs se baladent allègrement et valident à l’aise les objectifs. Et puis parfois c’est l’inverse, en particulier pour ces deux scouts soulagés d’avoir un soldat susceptible de DPS la carapace d’un cuirassé glyphide plutôt coriace. Veuillez noter ici que les quatre classes charismatiques de Deep Rock Galactic (scout, soldat, ingénieur, foreur) sont à la fois complémentaires, mais restent néanmoins autonomes. Avantage, le fun est garanti quel que soit le nombre de joueurs ; inconvénients, le gameplay est exposé à des capacités de classe qui font bien souvent double emploi. Et au motif que « je ne l’avais pas vu », on assiste de temps en temps au scénario du pire de la coopération pour les collègues qui « solotent » à tour de bras. On citera sans hésiter, l’exemple typique du foreur qui utilise ses power drills pour arriver à la même destination que la tyrolienne du gunner ou des plateformes de l’ingénieur. Que cela prête à sourire ou pas, il est parfois ennuyeux de ne pas trouver des compagnons avec suffisamment de jugeote pour comprendre les appels de phares de votre pointeur laser. Celui-ci permet de mettre en exergue tous les objets qui méritent l’attention de vos pairs. Solutions ? User de votre douce voix de stentor pendant la partie (très efficace), privilégier les Deep dives pour découvrir les meilleurs joueurs ou dénicher simplement les potes qui vont bien, mais encore faut-il qu’ils aient le jeu. Puis arrive le stress de fin de mission : votre M.U.L.E remplie à bloc se doit de retourner obligatoirement à la capsule (Drop pod) pour valider, le fruit de votre labeur. Or, c’est une procédure qui n’est jamais sans risque tant cela attire les insectes. Les regards se tendent et les mineurs s’interrogent. Est-ce que tout le monde est prêt ? Les plus téméraires appuieront sur le bouton d’appel contrairement à certains qui attendront que Molly se lance pour la suivre pas à pas, tandis que d’autres se dirigeront vers l’astronef par tous les moyens possibles, surtout en l’absence d’un foreur qui est pour cette tâche un excellent finisseur.
Hachement au point sur la partie technique
Il faut l’admettre, Deep Rock Galactic réalise finalement ce qu’on a parfois imaginé dans Minecraft sans jamais le formuler : moins de minage et plus de violence. Si ce gap a été franchi avec brio par Ghost Ship Games, la comparaison s’arrête pourtant bien là. En effet, Deep Rock Galactic ne propose pas de génération procédurale d’un open world comme on pourrait s’y attendre, mais produit plutôt des niveaux uniques composés de grottes interconnectées. Chaque mission est construite à partir d’archétypes de caves conçus sur la base de formes primitives. Le système maison qui s’appuie sur le moteur d’Unreal s’occupe d’habiller et de distribuer de manière aléatoire les ressources, et toutes les caractéristiques nécessaires au bon déroulement du jeu. Sans conteste, cette maîtrise technique permet d’apporter dans le temps des conditions imprévues au travers des divers biomes, objectifs, et autres variables (niveaux de risque, complexité des cavernes) travaillés par le studio copenhaguois. Ce n’est qu’une façade, mais dans ce FPS, tout a l’air brut de décoffrage à l’instar de l’humour nain plus prosaïque que versé dans le lyrisme. Ici, pas de chichi : on sélectionne sa classe en fonction de ses aspirations, on optimise son équipement et ses perks, on soigne son look et on choisit surtout sa mission pour 20 à 90 min d’action. La réussite de cette dernière permet de concourir à la réalisation de vos objectifs globaux (missions d’affectation, conclusion d’une étape, etc.) et vous octroiera des avantages de toutes sortes (expériences, compétences, items, etc.).
Dwarfship Troopers
De la comparaison sur le papier avec Left 4 Dead, seule finalement la composante de coopération demeure similaire. Celle-ci est très bien faite techniquement et s’implémente parfaitement dans Deep Rock Galactic. Idem pour les inspirations de Starship Troopers et d’Alien. Si la présence des arachnides rappelle effectivement le film satirique de Paul Verhoeven, pour le côté flippant, on en reste encore très loin (sauf pour l’humour peut-être), car l’univers cartoon de Deep Rock Galactic ne s’y prête pas vraiment. On aurait plus tendance à rire grassement de nos conneries in-game quitte à se faire houspiller par les « vrais joueurs » qui eux, pexent comme des sacrés malades. Quoi qu’il en soit, le jeu possède une identité forte. C’est indéniable, il y a du métier derrière ce FPS coopératif et cela s’en ressent sur la découverte d’un jeu boosté par une gestion de la récompense plutôt diabolique.
Qui va piano va solo
Sachez que sur les premiers temps, vous aurez plutôt tendance à privilégier le solo histoire de vous faire la main avec l’aide de Bosco, votre compagnon droïde. Cela dit, malgré vos intentions louables de devenir un joueur correct, je vous dirais certainement qu’à l’instar de Left 4 Dead, on s’ennuie ferme en solo. Et même bien plus, dans la mesure où les missions oneshot ne font pas le poids face aux campagnes scénarisées de la franchise Left 4 Dead. Ainsi, on aura qu’une envie, rejoindre une partie publique coûte que coûte, qu’importe les illustres inconnus en face : cela sera toujours mieux que rien. Et force est de constater que tout est plus fluide : les missions s’enchaînent, les étapes à franchir tombent plus vite, votre progression s’en voit hautement améliorée et résonne au diapason du leitmotiv fièrement affiché par Ghost Ship Games : « Co-op first ».
Cachez-moi ce farming que je ne saurais voir
N’ayons pas peur des mots, le farming, est un passage obligé pour accéder pleinement au potentiel des quatre classes proposées par Deep Rock Galactic. Si l’arbre de compétences est unique, il faudra gravir à nouveau les échelons pour débloquer votre matériel et autres objets cosmétiques. Clairement, l’équipe danoise a misé toute son expérience pour vous occuper au maximum. Ainsi, l’adrénaline des différents types de missions et la myriade de récompenses attisent constamment la dopamine des joueurs. De ce fait, difficile de s’ennuyer, tant cela peut virer à l’obsession, attendu que l’ensemble fourmille de petits détails qui font mouche à tous les coups : niveaux par classe et global, perks, et une pléthore d’équipements et de modificateurs (overclock) divers. Tout y passe, car rien n’est laissé au hasard ni oublié sur le modèle d’un Free-to-play classique. Pourtant, c’est loin d’être le genre de la maison : ici, pas d’add-ons payants où il faut « casquer » financièrement pour dépasser les autres, mais plutôt un pack de supporter et des DLC uniquement cosmétiques qui poussent de facto à se transformer en groupie. Et cela marche.
A consommer avec modération
Vous l’avez surement saisi, s’arracher de l’instance de jeu devient une véritable torture. Soyez donc extrêmement vigilant face à cette nouvelle drogue coopérative. Mais voilà, tous ces artifices ne suffisent pas à cacher un sentiment de répétition, propre au level grinding. Une sensation qui émerge dès l’instant où votre regard se portera plus sérieusement sur les autres classes : le déclencheur étant sans nul doute la première promotion de votre avatar qui donne accès à de nombreuses fonctionnalités comme la forge et les plongées abyssales. Ces dernières permettent d’avoir des joueurs plus expérimentés et mobilisables sur trois parties consécutives (pour environ une heure de jeu). À ce stade, le challenge démarre (notamment en élite) car en dépit d’un excellent équilibrage, seuls les plus hauts niveaux de risque — dès le level 4 — commencent vraiment à piquer sévèrement.
Deep Rock Galactic demeure à notre sens ce diamant brut qui ne demande qu’à être poli par la venue de modes inédits
Comprenez bien que sur la copie rendue, Ghost Ship Games fait quasiment un sans-faute en termes de finition et de gameplay. Il vous tiendra sans forcer une centaine d’heures, voire plus, selon votre appétence à résister à des mécaniques de jeu solides, mais répétitives. Au vu de son prix, c’est plutôt honorable, surtout si vous avez l’ambition d’explorer toutes les classes en détail. Mais sachez que Deep Rock Galactic demeure à notre sens ce diamant brut qui ne demande qu’à être poli par la venue de modes inédits. Une démarche qui permettra d’intéresser les joueurs les plus exigeants, qui ont toujours du mal à se contenter d’apports exclusivement cosmétiques. Ceux-là privilégieront invariablement la profondeur et la subtilité de l’expérience de jeu. À un certain moment, il va sans dire que même les ajouts de nouveaux types de missions ne suffiront plus, et seul un mode qui laissera affronter d’autres joueurs fournira un challenge assez satisfaisant pour retenir les plus acharnés sur la durée. De la sorte, proposer un mode versus par l’entremise d’une campagne scénarisée ou des enjeux plus viscéraux, seraient loin d’être incohérent. De même, un mode survival aurait manifestement toute sa place, qui, combiné avec la génération procédurale, aurait tôt fait de mettre à disposition des combats des plus sympathiques à l’instar des salvages missions qui mériteraient d’être encore creusées. On ne le répétera jamais assez, mais ce que Valve a réussi à faire avec la franchise Left 4 Dead en offrant un gameplay varié, il ne serait guère honteux pour Ghost Ship Games de s’en inspirer, si telle est son ambition. D’ailleurs, au vu de la finition affichée et de l’expérience de l’équipe actuelle (une vingtaine de personnes), il est certain que le studio danois possède déjà les ressources pour relever sans trop problème ce genre de défi lors de mises à jour ultérieures.
Genre : FPS, Coopération, mining | Développeur : Ghost Ship Games | Éditeur : Coffee Stain Publishing
Date de sortie PC : 13 mai 2020 | Plateforme : PC | Prix : 29.99 €
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