Alors que Cyberpunk 2077 ne pointera guère le bout de son nez avant mi-septembre, les coyotes de chez ION GAMES se sont démenés comme des beaux diables pour nous proposer Cloudpunk leur tout nouveau jeu de livraison dystopique dans la ville cyclopéenne de Nivalis.
Assurément, Nivalis est ce type de mégapole irréelle défiant l’horizon par une verticalité architecturale à couper le souffle. Son rythme de vie effréné palpite à faire craquer sa superstructure et écrase les individualités dans un maelström de lumières fugaces, dépassant depuis bien longtemps l’entendement humain. D’ailleurs plus personne ne la comprend vraiment et monde cyberpunk oblige, difficile de lutter seul, face à la magnificence de la plus grande cité de ce monde connu. En effet, qui voudrait de Rania, une ex-musicienne fauchée de la Péninsule Orientale, fuyant désespérément les Corpos de recouvrement ? C’est également au prix d’un risque immense que vous ayez atterri indemne dans la métropole. Et puis, tout s’est enchaîné avec la chance d’un premier de cordée. Nouveau job, nouvel envol de carrière prometteur. Vous êtes dorénavant 14FC, une conductrice anonyme de la très douteuse société de livraison Cloudpunk. Votre matricule de cloporte vous horripile ? Soyez déjà heureux d’en avoir un.
Visual novel augmenté.
Telle est en effet, la mission confiée par ION LANDS le studio indépendant berlinois. Manifestement, trois ans de travail ont été nécessaires pour mener à bien le projet dont deux années auraient servi à l’élaboration du prototype et de tests divers sur le gameplay. Et cela se voit, le socle technique (moteur 3D Unity) semble solide, le rendu est splendide, sans compter que l’univers fourmille de détails et clins d’œil sans équivoques pour les aficionados du genre.
Que cela soit dit sans ambiguïté, Cloudpunk aurait pu évoluer en n’importe quoi d’autre qu’un simple Visual novel de luxe. ION GAMES aurait très bien pu imaginer un jeu d’action dans un monde semi-ouvert, un RPG ou encore un rogue-lite de livraison entièrement procédural. Et pourtant, retenez qu’il n’en est strictement rien, les développeurs ont choisi de faire un jeu avant tout narratif, scripté de bout en bout. Outre le fait que le contexte cyberpunk se prête à merveille avec les Visual-Novel de par ses thématiques réflexives, l’apport discret, mais spectaculaire du Voxel Art (Pixel en 3D) se marrie étonnamment bien avec un genre dont les codes sont reproduits à la perfection. À ce niveau, pas de surprises, Cloudpunk pioche directement son inspiration du côté des films Bladerunner et autres jeux de rôle à la Shadowrun. De ce fait, nuit perpétuelle, plus battante, mode tokyoïte flashy, paranoïa omniprésente font partie d’un quotidien ravagé par les mégacorporations qui abrutissent les habitants avec une pollution publicitaire ahurissante.
Nivalis Dernière
Avec Cloudpunk vous croiserez à pied ou avec votre hovercraft (HOVA) toutes les franges d’une population hétéroclite et intimement tourmentée qu’il faudra écouter au travers de thématiques fortes. Ici, pas de lourdeurs, d’apitoiement ou de branlettes intellectuelles inutiles, les fondamentaux issus de la sphère cyberpunk sont acquis, les sous-entendus abordés sont évocateurs, même si on aurait aimé que le curseur posé sur le background soit moins superficiel. Mais est-ce si important ? Avouez le, votre attention est surement attirée ailleurs, car ce qui vous a titillé sans nul doute sur Cloudpunk, c’est la soif d’une expérience inédite ou la possibilité de palper de l’aéronef dans un monde d’anticipation. En effet qui n’a pas rêvé de vivre l’enfer urbain proposé par le film Le cinquième élément de Luc Besson ?
Concernant cet aspect, la conduite de votre HOVA sans être difficile, n’est pas si aisée et il vous faudra jouer de votre frein et accélération pour aborder sereinement les obstacles. Côté challenge, c’est assez limité. Le jeu vous recommandera sans grande conviction, d’emprunter les voies rapides pour optimiser vos livraisons et réussir les quelques missions chronométrées. On aurait apprécié plus de quêtes secondaires qui aillent dans ce sens, afin de sortir un chouïa de la trame principale qui a tendance à happer un peu trop le joueur. À savoir, ce dernier reste libre d’appréhender l’univers à son rythme entre deux courses. Toujours est-il que si vous êtes un pilote du dimanche, soyez rassuré, cela devrait amplement suffire à boucler le jeu, pour peu que vous ayez de l’argent en banque. En effet, gare aux frais de réparation, qui vous fera y regarder à deux fois avant de foncer tête baissée dans la circulation. De plus les hitbox accrocheuses et l’absence de rétroviseurs augmentent le risque d’entrer en collision, ce qui peut s’avérer vite pénible, et invite doublement à conduire correctement.
Chauffard-livreur
Notez tout de même que la plupart des quêtes fedex proposées par Cloudpunk se valident à pied, ce qui vous permettra de faire des rencontres autres que « Contrôle » l’opérateur volubile de la société de livraison éponyme. Accessoirement, l’intrigue pousse de temps à autre le joueur à faire quelques emplettes et à enjoliver votre appartement, mais cela se résume en définitive à récolter des items variés que vous pourrez revendre le cas échéant à bon prix. Cette facette piétonne reste au demeurant sympathique, hélas entachée par une caméra vraiment agaçante. Pourtant, la vie grouillante de Nivalis donne envie, la pléthore de passants et de véhicules participe avec brio à la crédibilité de la ville, créant par la même un vague sentiment d’insatisfaction devant le manque d’interactions affichées. Clairement : on en veut plus. On veut plus de factions, plus de de détails, plus de chaos. On souhaite être racketté, on demande à visiter plus de lieux d’exception et on oublie surtout que le studio ION GAMES est un acteur indépendant, avec des moyens sans doute limités et que l’on en réclame beaucoup trop. Il n’empêche que les possibilités sous-jacentes de Cloudpunk sont réelles, et on entrevoit que fort bien les apports des futures mises à jour et autres DLC qui pourrait faire basculer Cloudpunk dans la cour des grands.
La palabre avant tout
Par bonheur, l’histoire très bien écrite rehaussée par une localisation française excellente ne permet pas de divaguer, tant elle entoure le joueur parfois jusqu’à étouffement. À dire vrai, l’ingérence des dialogues est telle qu’elle perturbe dans certains cas le conducteur (en pleine action) qui ne sait plus où donner de la tête, entre accomplir proprement sa tâche ou suivre une narration qui séduit indubitablement par ses voix attrayantes. À ce sujet, on ne peut que saluer Andrea Petrille (aka Rania : l’héroïne du jeu) et Mike Berlak (Contrôle : votre interlocuteur privilégié chez Cloudpunk) qui proposent un duo d’exception dont on vous laissera le soin de découvrir le doublage. À l’évidence, le bon niveau de finition de Cloudpunk, contribue sans nul doute à s’attacher aux personnages dans cet emballage cyberpunk qui n’oublie guère de se mettre au diapason d’une bande-son atmosphérique à la Vangelis bombardée de tonalités rétro-futuristes empruntées au genre synthwave.
Réveil difficile
On ne va pas vous le cacher, Cloudpunk propose une quête principale d’une petite dizaine d’heures. Une fois complétée, il ne restera pas grand-chose à vous mettre sous la dent, sinon explorer le jeu en lui-même, chercher éventuellement les PNJ que vous aurez ratés et collecter des objets. Cela vous permettra néanmoins de rajouter cinq à dix heures de jeu pour les plus contemplatifs d’entre vous. Et si on ne peut s’empêcher d’avoir en bouche un certain goût d’inachevé, c’est surtout par son silence radio que Cloudpunk détonne le plus. C’est un fait. À ce niveau de jeu, les dialogues nous manquent, les personnages clés aussi. Après un suivi scénaristique pourléché, on se sent délaissé dans un monde sans réel enjeu à l’instar des babioles de votre appartement pour la plupart superflues. Certains préféreront relancer une nouvelle partie, afin d’exploiter les autres embranchements de l’intrigue, tandis que d’autres s’essaieront sans vergogne à un complétionnisme effréné au vu du nombre de succès pharaonique proposé par le jeu.
Par ailleurs, on notera également quelques soucis techniques et manques qui viennent entacher notablement la jouabilité. En effet, comment décrire ce sentiment d’impuissance face à notre personnage soudainement coincé dans le décor ? Plutôt tragi-comique surtout lorsque l’on se doute que la sauvegarde automatique va rendre la situation particulièrement critique. Enfin, l’absence d’une worldmap et l’impossibilité de fixer soi-même des points de destination (un comble !) sont assez représentatives des nombreuses idées à concrétiser pour faire évoluer Cloudpunk dans le bon sens. Sachez également que l’instance de jeu est vite gourmande en ressource surtout si vous avez l’ambition d’en profiter pleinement avec des graphismes élevés. Ainsi, il ne faudra pas hésiter à descendre en gamme au niveau des paramètres pour jouir d’une meilleure fluidité (cf. nos rapides tests de performance en fin d’article).
Genre : Ambiance, Visual Novel, Exploration | Développeur : ION LANDS | Éditeur : ION LANDS, Maple Whispering Limited | Date de sortie PC : 23 avril 2020 | Date de sorties consoles : courant 2020 | Plateformes : PC, Switch, PS4, Xbox One| Prix : 19.99 €
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