Pour déguster Unreal Life en véritable esthète, quelques préparatifs s’imposaient pour tenir éloignés les curieux prêts à dénigrer ma passion inavouable pour les jeux pixels-en-2d-psychédélique. Tous ? Non ! Car chez nous, on a un gars assez bruyant (Yaki) qui est censé s’occuper de notre discord, je dis bien censé, dans la mesure où il est surtout doué pour faire le café, s’infiltrer dans notre local et faire la causette en lorgnant d’un œil torve nos machines innocentes. Commencé sans vergogne en solo, Unreal Life s’est donc fini à deux avec quelques péripéties, entre vols de manettes et silences pesants de plus en plus marqués.
Sur le principe, Unreal Life est un jeu d’aventure 2D narratif (point & click) avec des petites énigmes à résoudre. Il se joue intuitivement à la manette ou à la souris par l’entremise d’un stick virtuel que l’on peut jeter à l’emporte-pièce sur l’écran. Graphiquement il promet de belles choses pour peu que l’on sache apprécier le style. Le jeu édité par Room6 offre un pixel art minimaliste pour l’exploration et nettement plus approfondi sur les cutscenes. Outre le potentiel évident d’Unreal Life, on se doute que si l’unique développeur du jeu (Hako Life) se permet cela, il se doit de maîtriser parfaitement sa direction artistique. Dans ces conditions, poser le curseur sur quelque chose de modeste devient une nécessité, et cela dans la seule intention de pouvoir boucler son projet avec un maximum de polish. Malgré cela, je ne peux m’empêcher de penser qu’Unreal Life aurait mérité d’être un peu plus fouillé graphiquement, ne serait-ce que pour trancher sur ses influences qui ont conditionné son développement. Toujours est-il, que le tracé maison, rehaussé par des musiques inspirées (de Hako Life qui aura décidément tout fait) font mouche et charme indéniablement le joueur dans le sens du poil.
Ensuite, il est vrai que le character design est tout à fait honnête, presque féminin, et met idéalement en scène, Hal, l’héroïne de cet univers atypique. Un monde surprenant qui oscille entre pixels mignons et récit psychédélique à l’instar de tous ces titres qui surfent sur cette mouvance tels que Yume Nikki, Undertale, Strange Telephone, mais cette fois-ci, avec des mécaniques mémorielles plus proches d’un Ghost trick.
Hal Touch
Si le gameplay s’inspire fortement de cette vague, Unreal Life apporte néanmoins sa petite pierre à l’édifice, en proposant quant à lui d’extirper les souvenirs des objets touchés par votre personnage. Cet aspect qui est à mon avis sous-exploité (même s’il faut un début à tout) permet de renouveler follement la narration en juxtaposant le passé avec le présent, suscitant des pics de suspense plutôt satisfaisants. Pourtant l’histoire d’Unreal Life démarre de manière on ne peut plus banale. Et pour cause, votre douce héroïne vautrée avec grâce sur le bitume se rappelle à son réveil seulement de son prénom et celui de « Miss Sakura », son professeur de physique. Accueilli télépathiquement par le très sympathique 195, un feu de circulation wireless (doté d’une IA dernier cri) vous vous apercevez tout de même (pardonnez-moi l’expression) que cela va être sacrément tendu du slip. À l’évidence ne sachant même plus lire, votre avatar n’a en sa possession qu’un livre sibyllin et une paire de ballerines bleues. Celles-ci vont quand même se révéler assez utiles pour découvrir à la hâte, le pouvoir de « lecture » sur les objets qui vous permettra enfin d’avancer. Cette singularité, liée à une anomalie cérébrale, aux dires de votre compère 195, sera une de votre principale force, pour démêler les énigmes bien fichues qui vous attendent. Elles vous inciteront à déambuler au travers des différentes zones qui s’articulent autour de votre chambre d’hôtel (le hub central du jeu).
Faims alternatives
Il va sans dire que les deux clés de voute d’Unreal Life sont les dialogues et les PNJ hétéroclites (tous attachants) qui composent l’essentiel d’un scénario empirique luttant contre les clichés du genre en s’essayant avec intelligence à plusieurs fins alternatives, sans réussir toutefois à nous entraîner totalement. Si l’univers suffisamment riche arrive à se faire une place, le gameplay plus maladroit n’est pas exempt de défauts. Il comporte quelques petits ratés (interactions laborieuses, animations succinctes, recyclage d’énigmes, etc.) pour une exploration assurément linéaire. Pourtant, Unreal Life a cependant l’avantage d’être un jeu vraiment équilibré, il offre avec justesse ce qu’il faut de rebondissements pour vous tenir en haleine une dizaine d’heures. Ce qui est plutôt honnête pour le genre, même si le potentiel de rejouabilité est quasi inexistant et que l’on aurait bien aimé que cela continue un peu plus
On ne va pas se mentir, Unreal Life est un bon jeu, mais n’excelle pas non plus. Il respire par contre l’amour pur et spontané des jeux d’auteurs nippons (RPG, visual novel, etc.) misant sur les paradoxes, les angoisses de notre temps ou encore cette lutte existentielle auxquels tout individu est confronté un jour dans sa vie de cancrelat. Et ne vous y trompez pas, sous couvert de graphismes enfantins, Unreal Life aborde des sujets graves, d’exclusion sociale, de drames voire de troubles psychiques, et véhicule des valeurs d’espoir au profit du lâcher-prise sur ce qui n’a plus lieu d’être. Un éveil de conscience parfois nécessaire pour franchir une nouvelle étape, et d’être enfin… naturellement soi.
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